le sexe d'une femme déchue

La maison est petite, encombrée.

Des gens se faufilent partout. Ils entrent par les pots de fleurs, sortent par les lits, nagent quelques minutes dans la sous-tasse à café, s’immergent pour se rafraîchir dans la casserole où cuisent les pommes de terre.

Ils mangent des trucs idiots, comme des frites au vinaigre, des sardines à l’huile d’olive avec de la confiture d’airelle. Ils avalent même du café au lait avant de prendre le bateau qui est sur le départ, tosse contre le quai, au grand plaisir des goélands affamés.

La fête se termine enfin. Je suis lasse de crier en silence pour faire cesser ces incessants va-et-vient, cet envahissement fourmillant d’anonymat.

Mais tout un groupe arrive pour fêter un saint breton, Saint Goneri.

À ma grande surprise, tout est prêt pour les recevoir dans une pièce étroite. Quelqu’un m’explique que c’est grâce à l’argent trouvé dans la poche du jean sale d’un anar qui l’avait volé.

Verres propres, bouteilles pleines de liquides aux couleurs vives, tartines d’ardoises feuilletées, dorées, croustillantes et encore tièdes, couvertes d’un beurre fleuri d’herbes vertes et de petites corolles blanches et violettes, véritables mini-bouquets.

Deux femmes, la mère et la fille, sont très émues. Elles s’approchent de mon compagnon pour justifier leurs larmes. Elles font de l’aquarelle, motivées par le plaisir de décorer les murs, « faire joli ». Elles n’avaient jamais tenté de déchiffrer les travaux qu’elles considéraient comme hermétiques, réalisés par des artistes illustres.
Et là, c’est l‘illumination.

Les œuvres exposées sont flamboyantes et intelligibles. Mon ami leur tient alors un discours d’un grand ésotérisme et leur expose son analyse du célèbre tableau : « le sexe d’une femme déchue ».

Elles sanglotent.

Je regarde enfin les toiles exposées qui se mettent à tinter comme les cloches de l’angélus.

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