Kerverous

La guitare, légère, se cisèle dans les frisures du persil. Le violoncelle s’enfouit dans la profondeur du basilic. Le piano, un peu sourd, apporte sa langueur sauvage de laurier. Par petites touches, la fraîcheur piquante de la ciboulette tinte dans quelques notes de flûte pour se perdre dans la gravité lourde de menthe d’un saxo nostalgique. Les ondulations des cordes du thym, émaillé de citron, vibrent dans l’archet du violon. Le battement de l’ail palpite et se mesure aux inflexions débridées des oignons et échalotes, percussions qui heurtent, animent, font danser nos têtes et nos pieds enfouis dans les arômes, bercés par ces modulations dans lesquelles nous aimons nous noyer.

Le frémissement prolongé de la cymbale fait percevoir la subtilité de la marjolaine qui parfume les pizzas croustillantes. Nous valsons avec les poulets qui tournoient dans la cheminée, luisants d’huiles résonnantes d’épices, échappant aux flammèches bleues et vertes qui jaillissent des braises rougeoyantes. Nous attendons le gong qui nous signalera la fin de la lutte entre la bête et le feu en picorant dans les multiples salades et autres sonnailles aux accords martelés.

La grande pièce couronnée d’une mezzanine accueille avec volupté cette soirée « bœuf » où musique et effluves s’emmêlent dans le chas de la nuit. Intimité et liberté, un patchwork de créations sensuelles ouvertes aux regards. Une rencontre enrichie du chœur de la montagne où l’ankou cadence la mesure du temps au rythme du balancement de sa faux.

Tout alentour, les maisons ont été décerclées de leur inclinaison aux reflets mordorés. Les mines sans couvercle s’abandonnent à la mer inamovible des strates du ciel. Les dalles gisent dans l’infini de la terre inaccessible aux labours. L’eau s’infiltre, gémissante, et rouille les feuillets entrouverts, pages burinées par les palimpsestes d’une vie qui ne peut se muer en silence, car sans cesse agitée par les confidences de la lande.

L’ancre de la nuit s’est agrippée à l’éternité où le solo du chant de l’ardoise a été pris en otage par le tourbillon d’une profonde plénitude.

Alchimie d’une fête d’où l’ankou s’est enfui dans sa cacophonie discordante devenue inaudible.

Connivence…